Yannis

Yannis est un petit garçon plein d'énergie. On suppose souvent que les enfants autistes sont absents, vivant en quelque sorte à l'intérieur de leur bulle. Mais, à part quelques instants d'absence, comme s'il était perdu en lui-même, Yannis est alerte et attentif à tout ce qui l'entoure.

Il avait l'air de suivre un développement “normal” jusqu'à l'âge de 18 mois. Il pointait du doigt, établissait un contact visuel et s'exprimait verbalement au niveau de son âge. Puis tout a commencé à changer. La communication verbale s'est arrêtée puis a régressé. Le contact visuel est devenu de plus en plus difficile à établir. Il a été diagnostiqué avec autisme vers 2 ans.

Actuellement, sa communication verbale se limite à répéter certains mots ou à répondre à des questions par oui ou non. Comme beaucoup d'autres enfants avec des troubles de communication, il se fait comprendre en attirant l'attention du parent avec des gestes ou en se plaçant près de son centre d'intérêt.

Yannis aime être dans la nature. La forêt est à quelques minutes en voiture de chez lui et ses parents l'y emmènent souvent. Il joue avec les feuilles mortes, les ramasse et les lance en l'air comme des confettis. Il aime aussi nager et être sous l'eau. Pendant que je parle avec ses parents dans le salon, il se déplace constamment, monte dans sa chambre et revient.

Y. adore manger et demande tout le temps des collations. Il n'est pas un mangeur difficile. Parfois, il essaie de manger des choses non comestibles. C'est un trouble de l'alimentation appelé Pica.

Y. accepte sans hésitation les petites tâches d'apprentissage que sa maman lui propose. Il s'assied à sa petite table et complète le puzzle, écrit en suivant un modèle et associe les images aux mots correspondants. Cependant, dit sa mère, il doit être incité à travailler là-dessus. Ce n'est jamais son initiative.

Lorsque nous montons tous à l'étage pour qu'il puisse jouer dans sa salle sensorielle, avec des lumières laser et une musique de fond apaisante, il prend vie. Il court de ses parents à moi et retour. Il est tout simplement heureux.

Tenir le coup ensemble

Les parents d'enfants autistes sont souvent tiraillés entre faire trop peu ou trop pour leur enfant. C'est une ligne fine à parcourir, et celle que de nombreux parents marchent avec regret ou honte. "J'aurais dû être mieux informé. J'aurais dû faire ça. Maintenant c'est trop tard."

Les parents de Y. sont en mode combat continu. Leur temps, leur énergie et leurs finances sont consacrés à faire en sorte que leur fils reçoive le bon soutien et puisse progresser. Parfois, cela implique un peu d'expérimentation. Certaines interventions semblent fonctionner pendant un certain temps puis ne produisent plus aucun résultat visible. D'autres interventions sont bien acceptées par l'enfant, mais les progrès sont si lents qu'il peut sembler qu'il n'y a en fait aucun progrès. Il y a un lourd fardeau mental à devoir contempler continuellement quand arrêter une intervention, quand en commencer une entièrement nouvelle, quand en ajouter une en plus de tout le reste.

De plus, il est difficile de trouver un accompagnement adapté pour les enfants autistes. Dans de nombreux cas, les parents n'ont pas vraiment le choix de dire non à ce qui existe dans leur région ou à ce qui est remboursé par l'assurance handicap.

En plus d'avoir à lutter avec leurs propres doutes et à se frayer un chemin à travers un dédale de procédures afin d'obtenir du soutien, les parents sont aussi parfois confrontés à des personnes qui ont déjà étiqueté leur enfant comme irrémédiablement dysfonctionnel ou dépendant à vie. Lors des tests de diagnostic formel, les parents de Y. ont été informés par un professionnel de la santé qu'il resterait comme ça (non verbal et avec des besoins de soutien élevés) pour le reste de sa vie. Un de ses professeurs d'école leur a d'ailleurs dit qu'il ne quittera jamais sa classe car il n'a pas le niveau requis pour passer à un autre milieu d'apprentissage.

Malgré tout cela, ce que je retiens des parents de Y. après des heures de discussion n'est pas du pessimisme ou du découragement. Les gens évaluent généralement mal leurs limites et leurs ressources. Ce n'est que lorsqu'ils sont poussés au-delà de leurs limites perçues qu'ils découvrent le territoire qui se trouve au-delà. Un territoire qui n'est pas confortable à explorer, c'est certain. Mais cela peut être exploré et cela mène quelque part. On peut vivre dans cet espace.

"On fait comme on peut,” me dit la maman de Yannis. “Comme je le dis toujours aux autres parents que je rencontre : selon nos forces et nos faiblesses. Selon notre capacité financière et nos possibilités physiques et mentales. Et si quelque chose ne fonctionne pas maintenant, peut-être que dans un mois, il sera plus facile d'essayer autre chose".


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2 réflexions sur “Yannis

  1. le combat ou la lutte des parents pour faire reconnaitre leur enfant et obtenir de l’aide ( pas standardisée nécessairement et les cases simples si on veut avoir un financement/remboursement) sont une tâche lourde (l’administration de leur enfant) et anormale ( certains parents consacre une large part de leur temps à faire ce “boulot” et parfois , ce n’est même pas compréhensible ( on fait cette lettre car il y a, peut etre, un remboursement à la clé) et pourtant certains parents ont des déterminants sociaux favorables à “ce travail” (quid des autres parents)….
    le chemin de l’autonomie et de l’amour de leur enfant est un long chemin pas aisé mais pourtant au bout , y la vie , sous toutes ses formes …

    1. Merci pour vos mots. Je suis tout à fait d’accord, y compris sur le fait que l’inégalité des situations socio-économiques et des ressources des parents se reflète lourdement sur les enfants.

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